Agence de promotion économique du Canada atlantique (Re), 2022 CI 61

Date : 2022-10-05
Numéro de dossier du Commissariat : 5820-03832
Numéro de dossier de l’institution : A-2020-00034

Sommaire

La partie plaignante allègue que l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci vise des documents se rapportant à une subvention octroyée en mars 2020 à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Ni l’APECA ni l’OCDE n’ont présenté d’observations à l’appui de l’application de l’une ou l’autre des exceptions aux renseignements en cause.

La Commissaire à l’information a ordonné à l’APECA de communiquer les documents dans leur intégralité. Cette dernière a avisé la Commissaire qu’elle donnerait suite à l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]      La partie plaignante allègue que l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) a erronément refusé de communiquer des renseignements, en vertu de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) et de l’alinéa 20(1)d) (négociations d’un tiers) de la Loi sur l’accès à l’information, en réponse à une demande d’accès. Celle-ci vise des documents se rapportant à une subvention octroyée en mars 2020 à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]      Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[3]      L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[4]      Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

[5]      Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[6]      L’APECA a appliqué l’alinéa 20(1)b) aux pages 4 et 6 des documents pour refuser de communiquer des renseignements concernant les dépenses d’exploitation de l’OCDE, la contribution de l’APECA à ces dépenses et un texte au sujet de l’OCDE. Le Commissariat à l’information a demandé à l’OCDE de présenter des observations, qui a autorisé la communication des documents demandés à condition qu’ils ne contiennent aucune information erronée pour ce qui est du texte à son sujet.

[7]      Dans ses observations, l’APECA a confirmé l’exactitude des renseignements. Aucune des parties n’a présenté d’observations à l’appui de l’application de l’alinéa 20(1)b).

[8]      En ce qui concerne le premier critère, j’accepte qu’une grande partie des renseignements en cause soient financiers, sauf les commentaires sur l’OCDE et une description générale de l’organisation.

[9]      Le deuxième critère de l’alinéa 20(1)b) exige que les renseignements soient confidentiels, selon une norme objective. Par conséquent, une partie qui affirme que les renseignements sont confidentiels en vertu de l’alinéa 20(1)b) doit établir que chacune des conditions suivantes a été satisfaite :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public. [Voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Bureau d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports), 2006 CAF 157, para 72.]

[10]    Aucune preuve n’a été fournie pour démontrer que les renseignements en cause sont confidentiels, selon une norme objective, c’est-à-dire qu’ils ont été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués.

[11]    Tel qu’il a été conclu par la Cour d’appel fédérale, « l’entrepreneur potentiel qui tente d’obtenir un contrat du gouvernement en participant à un processus de soumission confidentiel ne peut s’attendre à ce que les conditions financières demeurent confidentielles si sa proposition est retenue. » [Canada (Ministre des Travaux et des Services gouvernementaux) c. The Hi‐Rise Group Inc., 2004 CAF 99, para 37.] Cela met en doute l’argument selon lequel les renseignements financiers se trouvant à la page 4 ont été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués.

[12]    Il semblerait aussi que le public ait accès, sur le site Web de l’OCDE, à certaines parties des renseignements, ce qui met en doute la question de savoir s’ils ont été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués.

[13]    Qui plus est, je ne suis pas convaincue que le fait d’assurer la confidentialité de ces renseignements favoriserait la relation entre l’APECA et l’OCDE dans l’intérêt public. Ils traitent d’un projet qui bénéficie d’un important financement public. Par souci de responsabilisation, il est généralement dans l’intérêt public de communiquer des renseignements relatifs à la dépense de fonds publics.

[14]    En ce qui concerne le troisième critère de l’alinéa 20(1)b), j’accepte que l’OCDE ait fourni ses dépenses d’exploitation à l’APECA. J’accepte aussi que la divulgation de la contribution de l’APECA à ces dépenses d’exploitation révèle le montant des dépenses d’exploitation de l’OCDE, vu la divulgation du taux d’assistance.

[15]    Je n’accepte toutefois pas que l’OCDE ait fourni les textes à son sujet, lesquels se trouvent à la page 6, à l’APECA. Ils semblent être des observations et des évaluations indépendantes faites par l’APECA en fonction de renseignements publics, plutôt que de renseignements que l’OCDE a transmis confidentiellement à l’APECA. [Voir Canada (Transports) c. Air Transat A.T. Inc., 2019 CAF 286, para 76.]

[16]    En ce qui concerne le dernier critère, aucune observation n’a été présentée pour démontrer que l’OCDE a toujours traité les renseignements non communiqués comme étant confidentiels.

[17]    De façon plus générale, l’accord qu’a donné l’OCDE concernant la communication des documents demandés, à condition qu’ils ne contiennent aucune information erronée pour ce qui est du texte, semble indiquer que, jusqu’ici, l’OCDE n’a pas toujours traité les renseignements en cause comme étant confidentiels. [Voir Bombardier Inc. c. Canada (Procureur général), 2019 CF 207, para 79.] En réponse à l’avis du Commissariat, émis en vertu de l’article 36.3, l’OCDE a déclaré que les données financières se trouvant à la page 4 et le texte se trouvant à la page 6 sont erronés. Elle a demandé qu’un avis de non-responsabilité reflétant cette situation soit inclus avec le document communiqué .

[18]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)b).

Alinéa 20(1)d) : négociations d’un tiers

[19]    L’alinéa 20(1)d) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations contractuelles ou autres d’un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou un particulier, et non pas le demandeur d’accès).

[20]    Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • un tiers mène ou mènera des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire à ces négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[21]    Lorsque ces critères sont satisfaits et que le tiers auquel les renseignements se rapportent consent à leur divulgation, le paragraphe 20(5) exige que les institutions exercent raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles doivent communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[22]    Suivant l’alinéa 20(1)d), il est nécessaire de fournir des éléments de preuve qui démontrent en quoi la communication des renseignements visés par l’exception perturberait toute négociation prévue ou en cours menée par l’OCDE et la probabilité de cette perturbation. Aucun élément de preuve de ce type n’a été fourni.

[23]    La notion d’entraver, dans le contexte de l’alinéa 20(1)d), correspond au terme « interference » dans la version anglaise, lequel a été interprété par les tribunaux comme désignant le terme anglais « obstruction » [voir Canadian Broadcasting Corp. c. National Capital Commission, [1998] ACF no 676 (QL)].

[24]    Il doit y avoir un lien clair et direct entre la communication des renseignements et un risque de préjudice bien au-delà de la simple possibilité [voir Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 197 et 206].

[25]    Il n’a pas été démontré que les renseignements en cause (le texte se trouvant à la page 6) satisfont au critère susmentionné.

[26]    Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les renseignements ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 20(1)d).

Résultat

[27]    La plainte est fondée.

Ordonnance

Conformément au paragraphe 36.1(1) de la Loi, j’ordonne au président de l’APECA de communiquer les documents dans leur intégralité.

Le président de l’APECA doit se conformer aux dispositions du paragraphe 37(4) lorsqu’il communique des documents en réponse à mon ordonnance.

Le 8 août 2022, j’ai transmis au président de l’APECA mon rapport dans lequel je présentais mon ordonnance.

Le 30 août 2022, le président de l’APECA m’a avisée qu’il donnerait suite à mon ordonnance. Il a également précisé qu’il confirmerait auprès de l’OCDE si des réserves concernant les documents qui n’avaient pas été communiqués initialement devaient accompagner la divulgation.

J’ai aussi fait parvenir le présent compte rendu à l’OCDE.

Lorsque la plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante et l’institution ont le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Celles-ci doivent exercer leur recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables après la date du compte rendu. Si elles n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. La personne qui exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, l’ordonnance prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

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