Administration portuaire Vancouver Fraser (Re), 2023 CI 44

Date : 2023-12-18
Numéro de dossier du Commissariat : 5821-07279
Numéro de dossier de l’institution : 52100-20-046-2021

Sommaire

La partie plaignante allègue que l’Administration portuaire Vancouver Fraser (APVF) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18b) (compétitivité des institutions fédérales ou négociations des institutions fédérales) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait une copie d’un accord entre la bande indienne Musqueam et l’APVF. L’allégation s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

La Commissaire à l’information n’était pas d’avis que l’ensemble des renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 18b) satisfaisaient aux critères de l’exception. En outre, l’APVF n’a pas démontré qu’elle a pris en considération tous les facteurs pertinents et qu’elle a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas communiquer les renseignements.

Ni l’institution ni le tiers n’ont démontré que les renseignements satisfaisaient aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

La Commissaire a ordonné à l’APVF de communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b) qui ne satisfont pas aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 18b). La Commissaire a également ordonné à l’APVF d’exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire concernant les renseignements qui satisfont aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 18b).

L’APVF m’a avisée qu’elle communiquerait les renseignements qui ne satisfont pas aux critères de l’exception, d’une manière qui ne divulguerait pas l’étendue de l’accord. L’APVF n’a pas mentionné la seconde partie de l’ordonnance.

La plainte est fondée.

Plainte

[1]     La partie plaignante allègue que l’Administration portuaire Vancouver Fraser (APVF) a erronément refusé de communiquer des renseignements en vertu de l’alinéa 18b) (compétitivité des institutions fédérales ou négociations des institutions fédérales) et de l’alinéa 20(1)b) (renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers) de la Loi sur l’accès à l’information. La demande d’accès visait une copie d’un accord entre la bande indienne Musqueam et l’APVF. La plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi.

Enquête

[2]     Lorsqu’une institution refuse de communiquer les renseignements d’un ou des tiers, il incombe à ces tiers et/ou à l’institution de démontrer que ce refus est justifié.

[3]     Au cours de l’enquête, l’APVF, Musqueam et la partie plaignante ont été invitées à présenter des observations concernant l’application des exceptions pour refuser de communiquer l’accord. L’APVF a également fourni des observations sur des questions auxiliaires relatives à mon enquête. Pour arriver aux conclusions dans le présent document, j’ai tenu compte de toutes les observations faites par l’APVF, Musqueam et la partie plaignante.

[4]     Comme l’exige l’article 36.3, j’ai avisé Musqueam de mon intention d’ordonner à l’APVF de divulguer des parties de l’accord. En réponse, Musqueam a indiqué qu’elle n’était pas en faveur de la divulgation de l’accord ou d’éléments de celui-ci.

Alinéa 18b) : compétitivité des institutions fédérales ou négociations des institutions fédérales

[5]     L’alinéa 18b) permet aux institutions de refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à la compétitivité ou d’entraver des négociations contractuelles ou autres d’une institution fédérale.

[6]     Pour invoquer cette exception relativement à la compétitivité, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • la divulgation de ces renseignements pourrait nuire à la compétitivité d’une institution fédérale;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[7]     Pour invoquer cette exception relativement à l’entrave de négociations contractuelles ou autres, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • des négociations contractuelles ou autres sont en cours ou seront menées ultérieurement;
  • la divulgation des renseignements pourrait nuire aux négociations;
  • il y a une attente raisonnable que ce préjudice puisse être causé; l’attente doit être bien au-delà d’une simple possibilité.

[8]     Lorsque ces critères sont satisfaits, les institutions doivent alors exercer raisonnablement leur pouvoir discrétionnaire pour décider de communiquer ou non les renseignements.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[9]     L’APVF a appliqué l’alinéa 18b) afin de refuser de communiquer la totalité de l’accord. Dans ses observations, l’APVF a affirmé que la divulgation de l’accord nuirait à sa compétitivité et entraverait des négociations en cours.

[10]     L’APVF a également souligné l’importance de la relation entre la Couronne et les groupes autochtones. L’APVF explique l’importance qu’elle accorde aux relations avec les communautés autochtones et aux efforts déployés pour favoriser la réconciliation, y compris les consultations et les accords avec ces communautés. L’APVF a présenté des observations supplémentaires concernant l’incidence que la divulgation pourrait avoir sur ses négociations avec les communautés autochtones et a souligné la confidentialité de l’information.

[11]     En ce qui a trait à la compétitivité, l’APVF a expliqué que ses accords avec les communautés autochtones sont essentiels à l’exécution de son mandat, qui consiste à faciliter les échanges commerciaux. Elle a également mentionné l’incidence potentielle sur la réussite d’un projet, dans l’éventualité où un accord ne pourrait pas être conclu avec une communauté autochtone. Selon l’APVF, ces préjudices potentiels comprennent des retards dans la délivrance de permis et une augmentation des coûts des projets, ainsi qu’un risque d’atteinte à la réputation de l’APVF et à ses relations avec les groupes autochtones; tous ces risques pourraient avoir une incidence commerciale sur l’APVF.

[12]     Cependant, l’APVF n’a pas établi que la communication des renseignements en cause pourrait nuire à sa compétitivité. Les observations présentées n’indiquaient pas en quoi l’APVF est en concurrence avec le secteur privé ou un autre gouvernement. L’APVF n’a pas non plus expliqué en quoi un concurrent actuel ou potentiel pourrait utiliser cette information pour nuire à sa compétitivité.

[13]     Bien que l’APVF ait mentionné des préjudices potentiels à ses projets commerciaux ainsi qu’à ses relations avec les groupes autochtones, je conclus qu’elle n’a pas suffisamment démontré en quoi la divulgation nuirait à sa compétitivité ni établi qu’il y a une attente raisonnable que ces préjudices puissent être causés.

[14]     En ce qui concerne l’entrave aux négociations, l’APVF a expliqué qu’elle était engagée dans des négociations avec d’autres groupes des Premières Nations et qu’elle prévoyait de prendre part à des négociations avec d’autres groupes ultérieurement. L’APVF a mentionné qu’elle disposait de trois équipes consacrées à l’établissement de relations et aux consultations avec les communautés autochtones [traduction] « afin que ses activités et son développement n’aient pas d’incidence négative sur les droits issus de traités revendiqués ou établis ». L’APVF a déclaré que ces efforts ont donné lieu à des centaines d’accords avec des communautés autochtones. L’APVF a mentionné des négociations précises qui ne sont pas encore conclues. D’après ce qui précède, je conviens que l’APVF est actuellement engagée dans des négociations et qu’elle s’engagera dans d’autres ultérieurement.

[15]     L’exception exige également qu’il y ait un risque raisonnable que la divulgation des renseignements entrave les négociations. L’APVF a expliqué que ses accords avec les groupes autochtones sont négociés nation par nation. Elle a affirmé que les clauses de l’accord avec Musqueam n’étaient pas des clauses types et qu’elles n’étaient pas dans le domaine public; elles étaient propres aux négociations entre l’APVF et Musqueam. Elle a ajouté que les groupes des Premières Nations avec lesquels elle engage des négociations ne demandent pas tous les mêmes éléments dans leurs accords et que l’APVF ne peut pas offrir les mêmes avantages à toutes les parties. L’APVF a indiqué que le fait de révéler les éléments de cet accord aux autres Premières Nations nuirait à sa position lors des négociations. Cette divulgation pourrait mener à l’ajout de nouveaux éléments aux négociations en cours et qui seront menées ultérieurement. Bien que l’APVF soutienne que les différences entre les accords sont essentielles, elle insiste sur le fait que les clauses demeurent une question délicate et que, comme mentionné ci-dessus, leur divulgation pourrait avoir une incidence négative sur ses relations avec les communautés.

[16]     Je suis d’avis que la divulgation de certains des renseignements dans les documents risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations en cours ou qui pourraient être menées ultérieurement avec d’autres Premières Nations.

[17]     Je ne suis cependant pas d’avis qu’il y a un risque vraisemblable que la communication de certaines parties de l’accord cause ce préjudice.

[18]     Dans ses observations, l’APVF soutenait que le simple fait de connaître la nature des éléments d’un accord ou la longueur d’un accord pourrait avoir des conséquences considérables, comme l’ajout de nouveaux éléments à des accords signés. Musqueam a également affirmé que la divulgation du nombre de pages du document révélerait sa stratégie de négociation en révélant les détails et la portée des dispositions.

[19]     La Cour suprême a établi que la formulation acceptée pour le préjudice allégué est le « risque vraisemblable de préjudice probable ». Les parties doivent démontrer un lien clair et direct entre la divulgation des renseignements en cause et un risque de préjudice allant bien au-delà de la simple possibilité, bien qu’il ne soit pas nécessaire d’établir le risque selon la prépondérance des probabilités [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 194-197].

[20]     L’APVF a établi que la majeure partie de l’accord contient des renseignements qui pourraient révéler la teneur de clauses propres à l’accord négociées entre les deux parties. Je conviens que la divulgation de ces clauses risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations de l’APVF. Cependant, les parties des documents consistant en des articles standards qui pourraient vraisemblablement se trouver dans n’importe quel accord entre des parties, ou les renseignements qui sont connus du public ou pourraient être raisonnablement déduits en fonction de l’information qui est déjà dans le domaine public, ne risquent pas d’entraver les négociations contractuelles ou autres de l’APVF.

[21]     Premièrement, l’accord contient des parties de renseignements qui sont connus du public. L’APVF et Musqueam ont toutes deux annoncé la signature de l’accord au moyen de déclarations publiques mentionnant les parties, les signataires et la date de signature.

[22]     De plus, le contenu des annexes A et E sont dans le domaine public.

[23]     Deuxièmement, la page 2 des documents contient des renseignements qu’il serait raisonnablement possible de déduire en fonction de l’information qui est déjà dans le domaine public.

[24]     Troisièmement, l’accord contient des articles standards qui pourraient vraisemblablement se trouver dans n’importe quel accord entre des parties. Je conviens que plusieurs des clauses à l’article 1.1 contiennent des renseignements qui sont propres à cet accord. Cependant, cet article contient également des clauses standards qui ne sont pas propres à ces négociations ou à l’accord qui en découle et qu’on pourrait s’attendre à trouver dans un accord, selon l’information connue du public au sujet de l’accord ou de l’APVF.

[25]     L’article 1.2 contient également des renseignements généraux qu’on peut généralement s’attendre à trouver dans un accord contractuel.

[26]     Comme mentionné ci-dessus, le risque vraisemblable d’entrave aux négociations de l’APVF se limiterait aux renseignements qui pourraient révéler la teneur des clauses propres à l’accord qui ne sont pas autrement connus du public ou qui pourraient être déduits raisonnablement à partir de renseignements qui sont déjà dans le domaine public.

[27]     Je conclus que les parties du document qui sont autrement connues du public ou qu’il est possible de déduire à partir de renseignements qui sont déjà dans le domaine public ne satisfont pas aux critères de l’exception.

L’institution a-t-elle exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire quant à sa décision de communiquer ou non l’information?

[28]     Étant donné que des parties des renseignements satisfaisaient aux critères de l’alinéa 18b), l’APVF était tenue d’exercer raisonnablement son pouvoir discrétionnaire afin de décider de communiquer ou non les renseignements. Pour ce faire, l’APVF devait prendre en considération tous les facteurs pertinents pour ou contre la communication.

[29]     Les observations présentées abordaient de nombreux facteurs pris en considération par l’APVF à l’encontre de la communication des renseignements. Elle a notamment pris en considération l’incidence possible de la communication sur ses relations avec les groupes autochtones, sur les négociations qui seront menées ultérieurement et sur la réussite de futurs projets. Elle a également pris en considération la confidentialité de l’accord et les préoccupations soulevées par Musqueam.

[30]     Cependant, l’APVF n’a pas présenté d’observations suggérant qu’elle avait pris en considération des facteurs en faveur de la communication, comme l’objet de la Loi, la responsabilité des institutions fédérales, l’intérêt public des renseignements ou, plus précisément, l’intérêt que représenteraient ces renseignements pour les autres communautés autochtones.

[31]     Je conclus que l’APVF n’a pas pris en considération tous les facteurs pertinents au moment de décider de ne pas communiquer les renseignements. Par conséquent, l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant ces renseignements n’était pas raisonnable.

Alinéa 20(1)b) : renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de tiers

[32]     L’alinéa 20(1)b) exige que les institutions refusent de communiquer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels fournis à une institution fédérale par un tiers (c’est-à-dire une entreprise privée ou une personne, et non pas le demandeur d’accès).

[33]     Pour invoquer cette exception, les institutions doivent démontrer ce qui suit :

  • les renseignements sont financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques;
  • les renseignements sont de nature confidentielle;
  • le tiers a fourni les renseignements à une institution fédérale;
  • le tiers a toujours traité les renseignements comme étant confidentiels.

L’information satisfait-elle aux critères de l’exception?

[34]     L’APVF a appliqué l’alinéa 20(1)b) simultanément à l’alinéa18b) pour refuser de communiquer la totalité de l’accord entre l’APVF et Musqueam.

[35]     En réponse à la demande d’observations du Commissariat en vertu de l’alinéa 35(2)c), Musqueam a soulevé des préoccupations concernant l’application de la Loi et des critères de l’alinéa 20(1)b) aux situations dans lesquelles des Premières Nations sont des parties à des négociations et à des accords qui reflètent leurs titres et leurs droits. Musqueam a suggéré que la divulgation de ces renseignements aurait une incidence sur sa position dans de futurs accords d’accommodement. Musqueam soutenait que les renseignements sont confidentiels et qu’ils ne devraient pas être communiqués.

[36]     Dans ses observations, Musqueam a expliqué que l’accès à l’accord a été abordé dans un litige, Cowichan Tribes v Canada (Attorney General), 2020 BCSC 1660 [en anglais seulement]. Musqueam et l’APVF ont produit une version caviardée de l’accord pour le demandeur en l’espèce, mais celle-ci n’est pas accessible au public.

[37]     En ce qui concerne le premier critère, à savoir que les renseignements doivent être « financiers », « commerciaux », « scientifiques » ou « techniques », la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, au para 139, a déclaré qu’il « convient de donner aux termes “financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques” leur sens lexicographique ordinaire ».

[38]     Dans ses observations, Musqueam a déclaré que [traduction] : « l’accord révèle des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques et techniques confidentiels concernant Musqueam et appartenant à Musqueam. » Musqueam soutenait que le contenu et les clauses de l’accord reposent sur ses titres et ses droits ainsi que sur sa langue, ses noms de lieux, et la culture, les enseignements, l’histoire orale et les coutumes qui lui sont propres. Musqueam considère donc qu’il s’agit de renseignements techniques la concernant. Il convient également de noter que l’accord repose sur des renseignements techniques comme des évaluations économiques et techniques effectuées par des consultants et fournies par Musqueam.

[39]     La définition du terme anglais « technical » (technique) dans le dictionnaire Merriam-Webster comprend les éléments suivants [traduction] : « connaissance spéciale et généralement pratique, particulièrement d’un sujet mécanique ou scientifique […] basée sur ou marquée par une spécialisation […] concernant un sujet particulier ou liée à celui-ci […] basée sur ou marquée par une interprétation stricte ou légale. » Bien que les clauses de l’accord reposent sur des connaissances spécialisées, le contenu de l’accord en soi ne semble pas être de nature technique ou scientifique.

[40]     Je conviens qu’il y a de petites parties de renseignements dans l’accord qui satisfont à la définition de renseignements financiers ou commerciaux.

[41]     Cependant, il ne suffit pas que le document en question ait été créé dans le cadre d’une instance susceptible d’avoir des répercussions financières ou commerciales pour établir que les renseignements sont de nature financière ou commerciale aux fins de l’application de l’alinéa 20(1)b) de la Loi [Appleton & Associates c. Bureau du Conseil privé, 2007 CF 640, para 26].

[42]     Comme mentionné dans un communiqué de presse de Musqueam daté du 5 novembre 2021, l’accord « jette les bases d’une relation forte à long terme entre les deux parties, qui contribuera à la création d’un avenir partagé prometteur, marqué par le respect mutuel et la réconciliation » et « redéfinit complètement leur relation de travail afin de mieux respecter leurs engagements conjoints. » Le document, dans ce contexte, ne contient pas seulement des renseignements financiers ou commerciaux.

[43]     Bien que l’accord contienne effectivement des renseignements de cette nature, il ne semble pas contenir de renseignements « financiers » et « commerciaux », au sens courant de ces termes, dans sa totalité. Je ne suis donc pas convaincue que la totalité des documents satisfait à ce critère.

[44]     Pour satisfaire au deuxième critère, à savoir que les renseignements sont confidentiels, les renseignements doivent répondre aux trois conditions suivantes :

  • les renseignements ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès;
  • les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
  • les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou autrement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt public [Voir Air Atonabee Ltd. (f.a.s. City Express) c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. No. 453].

[45]     Je conviens que ce n’est pas la totalité de l’accord qui est accessible au public; cependant, comme mentionné ci-dessus, certaines parties des documents sont accessibles en ligne et, par conséquent, de sources accessibles au public.

[46]     Pour ce qui est de la question de savoir si les renseignements en cause ont été créés et transmis avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seraient pas divulgués, dans ses observations à l’APVF, Musqueam affirme que les éléments de l’accord reposent sur des renseignements confidentiels et délicats. Musqueam a déclaré que les renseignements ont été communiqués à l’APVF en sa qualité d’organisme de la Couronne/gouvernemental.

[47]     En réponse au Commissariat, Musqueam a insisté sur l’assurance que les renseignements ne seraient pas divulgués. Elle a déclaré qu’il n’était pas habituel de divulguer le contenu des accords commerciaux et d’accommodement de Musqueam. Elle a ajouté qu’il n’était pas non plus habituel que d’autres Premières Nations soient tenues de divulguer le contenu de leurs accords.

[48]     Dans ses observations, l’APVF souligne la confidentialité de l’accord et l’assurance pour les deux parties que celui-ci ne sera pas divulgué. À cet effet, elle s’appuie sur des éléments précis de l’accord portant sur la confidentialité. Cependant, un examen de ces éléments a permis de constater que les deux parties prévoyaient que certains renseignements concernant l’accord seraient divulgués.

[49]     Après avoir examiné les observations des parties ainsi que les dispositions de l’accord lui-même, je ne suis pas d’avis que la totalité de celui-ci a été communiquée avec l’assurance raisonnable qu’il ne serait pas divulgué.

[50]     Pour ce qui est de la dernière condition de confidentialité, les observations de l’APVF suggèrent que la confidentialité de l’accord favorise la relation entre l’APVF et Musqueam dans l’intérêt public.

[51]     L’APVF a affirmé que ses relations avec les communautés autochtones sont essentielles pour remplir son mandat qui consiste à favoriser le commerce et sa mission, qui est d’assurer « la sécurité, la protection de l’environnement et le respect des communautés locales. » L’APVF soutenait également que ses accords avec des groupes autochtones contribuent à atteindre l’objectif de la réconciliation.

[52]     Comme mentionné ci-dessus, l’APVF a indiqué que la divulgation des renseignements aurait une incidence négative sur sa réputation, sur ses relations avec d’autres communautés autochtones et sur ses négociations en vue de conclure des accords avec d’autres communautés. Elle a également déclaré que le fait de ne pas réussir à conclure un accord avec une communauté autochtone pourrait avoir une incidence sur la réussite de futurs projets.

[53]     Je conviens que maintenir la confidentialité des clauses propres à l’accord favorise une relation entre l’APVF et Musqueam dans l’intérêt public, autant sur le plan économique qu’en ce qui a trait au maintien des relations avec les communautés autochtones.

[54]     Le troisième critère de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) prévoit que les renseignements ont été « fournis » à l’institution fédérale par le tiers. Dans ses observations, l’APVF déclare que les clauses de cet accord lui sont propres, qu’il ne s’agit pas de clauses standards et qu’elles étaient le fruit de négociations entre les deux parties.

[55]     La question de savoir si les renseignements ont été fournis par un tiers est une question de fait et que c’est le contenu plutôt que la forme des renseignements qui doit être pris en compte [Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, para 156-159]. La jurisprudence relative à la Loi démontre que les clauses négociées ne constituent pas des renseignements fournis par un tiers [Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700, para 16; voir aussi : Halifax Developments ltée c. Ministre des Travaux publics (1994), A.C.F. No 2035 (QL) (C.F. 1re inst.)].

[56]     Dans ses observations, Musqueam a expliqué qu’elle avait fourni des renseignements comme sa langue, ses noms de lieux, et la culture, les enseignements, l’histoire orale et les coutumes qui lui sont propres, pour contribuer aux discussions et aux négociations et les mettre en contexte. Elle a aussi fourni des renseignements produits par des consultants qui ont directement contribué à l’accord. Bien que Musqueam puisse avoir fourni certains renseignements précis à l’APVF, il est difficile de savoir quelles parties de l’accord final correspondent à ces renseignements. En outre, bien que ces renseignements aient contribué aux négociations et à l’élaboration de l’accord, les renseignements dans celui-ci consistent en des clauses négociées élaborées et convenues par les deux parties. De ce fait, je ne suis pas convaincue que ces renseignements dans les documents satisfont au critère.

[57]     Pour ce qui est du dernier critère, le tiers doit toujours avoir traité les renseignements de façon confidentielle. Une simple assertion, sans preuve que le tiers a traité les renseignements de façon confidentielle, ne permet pas d’établir que l’exception devrait s’appliquer.

[58]     Musqueam a affirmé dans ses observations que les renseignements ont toujours été traités comme confidentiels. Elle a expliqué que les membres de sa communauté n’ont eu droit qu’à une présentation générale leur donnant un aperçu du contenu et que les détails de l’accord n’ont pas été communiqués. Il est cependant difficile de savoir à quels renseignements la communauté a accès. Les renseignements fournis à la communauté lors d’une présentation publique ne seraient pas considérés comme des renseignements ayant toujours été traités comme étant confidentiels.

[59]     Comme mentionné ci-dessus, l’APVF et Musqueam ont toutes les deux fait des déclarations publiques pour annoncer la signature de l’accord et certaines des annexes dans les documents sont publiées en ligne. Les renseignements qui ont été rendus publics ne satisferaient pas non plus à ce critère.

[60]     Bien que Musqueam et l’APVF se soient entendues pour créer une version caviardée de l’accord dans le cadre d’un litige, les deux parties ont fourni des observations indiquant que cette version caviardée était protégée par des clauses de confidentialité et une ordonnance de la cour, et qu’elle ne sera pas rendue publique à la suite du processus judiciaire.

[61]     Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la totalité de l’accord a toujours été traitée comme étant confidentielle.

[62]     Compte tenu de tout ce qui précède, je suis d’avis qu’aucune partie de l’accord ne satisfait aux quatre critères de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

Résultat

[63]     La plainte est fondée.

Ordonnances et recommandations

J’ordonne au président et directeur général ce qui suit :

  1. Communiquer tous les renseignements non communiqués en vertu de l’alinéa 20(1)b) qui ne satisfont pas aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 18b), comme mentionné dans mon rapport;
  2. Exercer de nouveau son pouvoir discrétionnaire concernant les renseignements qui satisfont aux critères de l’exception prévue à l’alinéa 18b), y compris un examen des facteurs en faveur de la communication, comme indiqué ci-dessus.

Rapport et avis de l’institution

Le 23 octobre 2023, j’ai transmis au président et directeur général mon rapport dans lequel je présentais mes ordonnances.

Le 21 novembre 2023, la coordonnatrice de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels m’a avisée que le président et directeur général est prêt à communiquer les renseignements qui ne satisfont pas aux critères de l’exception prévue par la Loi, d’une manière qui ne divulguerait pas l’étendue de l’accord.

La coordonnatrice n’a pas indiqué si le président et directeur général donnerait suite au second élément de mon ordonnance.

Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, si le président et directeur général ne prévoit pas de donner suite à l’ensemble de mon ordonnance ci-dessus, il doit exercer un recours en révision devant la Cour fédérale dans le délai indiqué ci-dessous.

Révision devant la Cour fédérale

Lorsqu’une allégation dans une plainte s’inscrit dans le cadre de l’alinéa 30(1)a), b), c), d), d.1) ou e) de la Loi, la partie plaignante a le droit d’exercer un recours en révision devant la Cour fédérale. Lorsque la Commissaire à l’information rend une ordonnance, l’institution a également le droit d’exercer un recours en révision. La partie plaignante et/ou l’institution doivent exercer un recours en révision dans un délai de 35 jours ouvrables suivant la date du présent compte rendu. Si celles-ci n’exercent pas de recours, les tiers peuvent exercer un recours en révision dans les 10 jours ouvrables suivants. Quiconque exerce un recours en révision doit signifier une copie de sa demande de révision aux parties intéressées, conformément à l’article 43. Si personne n’exerce de recours en révision dans ces délais, toute ordonnance rendue prend effet le 46e jour ouvrable suivant la date du présent compte rendu.

Autres destinataires du compte rendu

Conformément au paragraphe 37(2), le présent compte rendu a été envoyé à la bande indienne Musqueam.

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