Décision en vertu de l’article 6.1, 2021 CI 30

Date : Novembre 2021

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à une demande d’accès à l’information en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. Dans la demande d’autorisation, l’institution a précisé que la demande d’accès est vexatoire et qu’elle constitue un abus du droit de faire une demande de communication.

La Commissaire a conclu que l’institution a démontré que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication. Compte tenu de la conclusion de la Commissaire, il n’est pas nécessaire de déterminer si la demande d’accès était également vexatoire.

La demande d’autorisation est acceptée.

Discussion

Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304].

Demande d’accès

L’institution a reçu une demande d’accès concernant les documents produits pour un cours précis qu’elle a offert pendant une période donnée. L’institution a affirmé que la demande en question était vexatoire, car elle était a) de nature répétitive et b) le demandeur avait déjà reçu la réponse de l’institution. L’institution souligne que le demandeur a soumis plus de 900 demandes d’accès, [traduction] « qui sont toutes étroitement liées et qui se chevauchent considérablement » et qu’au moins neuf de ces demandes visent à obtenir des renseignements identiques ou très semblables. L’institution est d’avis que le demandeur [traduction] « utilise sans cesse la Loi sur l’accès à l’information pour continuer à soumettre la même demande ou des demandes semblables parce qu’il n’est pas satisfait de la réponse qu’il a obtenue ». Enfin, l’institution affirme qu’elle a déjà fourni les documents au demandeur et que ce dernier s’est déjà prévalu du droit de porter plainte au Commissariat à l’information concernant le caractère raisonnable de sa recherche de documents liée à des demandes semblables ainsi que le caviardage de renseignements fondé sur des exceptions au droit d’accès.

En réponse, le demandeur a reconnu qu’un certain nombre de ses demandes d’accès sont répétitives, mais que ses demandes soumises une deuxième fois [traduction] « n’ont jamais eu pour but d’être vexatoires ou de constituer un abus » et qu’elles « ne sont pas inappropriées [et] qu’elles ne sont pas du tout vexatoires ou abusives. »

Abus du droit de faire une demande de communication

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié. Le volume de demandes d’accès en soi n’est pas suffisant pour permettre de conclure à un abus [voir London Police Services Board (re) (1995), ordonnance M­618 (Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario)]. Toutefois, le volume, conjugué à d’autres facteurs, peut permettre de conclure à un abus du droit de faire une demande de communication.

En Saskatchewan, l’ancien commissaire Gary Dickson a cerné certains de ces facteurs. Il a déterminé que la nature répétitive des demandes, en combinaison avec la manière cyclique dont les demandes d’accès et les demandes de révision étaient soumises, ont mené à une conclusion d’abus du processus [voir Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan)].

L’abus du droit de faire une demande de communication doit être examiné au cas par cas et, dans certaines situations, peut être établi d’après une combinaison de facteurs.

Dans le cas qui nous occupe, le fait que le demandeur ait soumis plus de 900 demandes d’accès ne signifie pas que la demande actuelle constitue un abus du droit de faire une demande. Comme l’a mentionné l’ancien commissaire à l’information de la Saskatchewan, [traduction] « un demandeur peut soumettre à une institution gouvernementale un grand nombre de demandes d’accès à l’information en vue d’obtenir divers documents sans utiliser les droits d’accès conférés par [la loi] de façon illégitime » [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (Commissariat à l’information et à la protection de la vie privée de la Saskatchewan)].

Toutefois, le problème, c’est la redondance de la demande d’accès actuelle par rapport aux demandes précédentes déposées par le demandeur auprès de l’institution au fil du temps.

En comparant le libellé de la demande d’accès actuelle avec celui des demandes précédentes, la Commissaire a déterminé qu’aucune « nouvelle » information n’était demandée et que les demandes antérieures comprenaient les documents demandés dans leur entièreté.

Dans ses observations, le demandeur indiquait qu’il estimait nécessaire de soumettre des demandes d’accès redondantes, car il lui est déjà arrivé d’oublier ou de négliger de porter plainte au Commissariat dans le délai prescrit concernant des réponses de l’institution. Cependant, cet argument n’est pas étayé par les éléments de preuve dont dispose la Commissaire. Plus précisément, les documents soumis par l’institution à l’appui de la demande d’autorisation confirment que le Commissariat a récemment conclu une enquête sur les plaintes déposées par le demandeur concernant le refus allégué de l’institution de communiquer des renseignements et d’effectuer une recherche raisonnable de documents en réponse à une demande d’accès formulée de manière analogue en vue d’obtenir la même information.

Le demandeur s’est donc prévalu du droit de porter plainte en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

En soumettant la demande d’accès en question, le demandeur répète un comportement habituel qui consiste à faire des demandes en vue d’obtenir essentiellement la même information. Ce genre de demande répétée peut imposer un fardeau excessif à une institution et menacer l’exercice légitime de ce droit par d’autres personnes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information [traduction] :

[…] En imposant un fardeau excessif à un organisme public, la mauvaise utilisation par une personne du droit d’accès peut menacer ou diminuer l’exercice légitime de ce droit par d’autres […]. De plus, un tel abus va à l’encontre de l’intérêt public, puisqu’il ajoute indûment à ce qu’il en coûte aux organismes publics pour se conformer à la Loi.[…] » [British Columbia (Children and Family Development) (Re), 2020 BCIPC 17 (CanLII), citant Auth. 43, 99-01, à la p. 7].

La Commissaire a conclu que, en l’espèce, la demande redondante représente un usage inapproprié de la Loi sur l’accès à l’information ainsi qu’un abus du droit de faire une demande de communication. Bien que ce droit ait une grande portée, il faut rappeler au demandeur qu’il ne doit pas avoir recours à ce droit de façon abusive, car cela aura une incidence négative sur les droits des autres demandeurs.

Lorsqu’un demandeur n’est pas satisfait du résultat d’une demande d’accès, il peut porter plainte au Commissariat. Lorsque le même demandeur n’est pas satisfait de la réponse qu’il a reçue de la part du Commissariat, il peut exercer un recours en révision à la Cour fédérale. La soumission de demandes d’accès multiples pour lesquelles l’information a déjà été obtenue auprès d’une institution, comme c’est le cas dans la présente affaire, n’est pas un usage approprié de la Loi sur l’accès à l’information.

Vexatoire

Étant donné que la Commissaire à l’information a conclu que la demande d’accès constitue un abus du droit de faire une demande de communication, il n’est pas nécessaire de déterminer si elle était également vexatoire.

Résultat

La Commissaire a accepté la demande d’autorisation. L’institution est tenue d’informer le demandeur si elle décide de refuser de donner suite à la demande d’accès et d’expliquer ses raisons.

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