Discours sur l'étude article par article du projet de loi C-58

Comparution devant le Comité sénatorial permanent affaires juridiques et constitutionnelles (LCJC)

par Caroline Maynard, commissaire à l'information du Canada

Le 3 avril 2019
Ottawa (Ontario)

(Le discours prononcé fait foi)


Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,

Je vous remercie de m’offrir l’occasion de comparaître devant vous aujourd’hui dans le cadre de votre étude article par article du projet de loi C-58.

Je suis accompagnée de deux représentantes de mon commissariat : Marie-Josée Montreuil, avocate principale, et Allison Knight, directrice principale des enquêtes.

J’aimerais faire quelques remarques concernant la modification que vous étudiez aujourd’hui, qui, je crois, vise à changer la façon dont la Cour fédérale du Canada révise les dossiers sur lesquels la commissaire à l’information enquête.

En théorie, il est juste de dire que le contrôle judiciaire des ordonnances de la commissaire à l’information serait le modèle optimal.

Malheureusement, j’estime qu’à ce stade-ci, il ne suffirait pas de modifier quelques articles dans le projet de loi C-58 pour mettre ce modèle en œuvre. À mon humble avis, l’adoption du contrôle judiciaire comme modèle nécessiterait une refonte exhaustive de la Loi sur l’accès à l’information et une étude approfondie des répercussions de ce changement sur l’administration de mon commissariat.

Par exemple, l’un des avantages du contrôle judiciaire des ordonnances de la commissaire à l’information est que les institutions devraient présenter la meilleure preuve et leurs meilleurs arguments durant mon processus d’enquête, car elles n’auraient pas l’occasion de présenter une nouvelle preuve à la Cour ni de formuler des arguments qui ne m’ont pas été présentés. Par contre, le décideur n’est généralement pas une partie devant la Cour dans une demande de contrôle judiciaire. Si le Comité souhaite adopter la modification proposée, il faudrait envisager de donner à la commissaire qualité pour agir devant la Cour. Et si la qualité pour agir lui est accordée, il faudrait également déterminer dans quelle mesure la commissaire participerait au contrôle judiciaire, en se référant possiblement aux exemples de l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta comme exemples.

De plus, dans un modèle où les décisions administratives font l’objet d’un contrôle judiciaire, la Cour s’en remet généralement aux décideurs experts. Si un tel modèle était adopté dans le projet de loi C-58, les ordonnances de la commissaire à l’information feraient probablement l’objet du même degré de déférence de la part de la Cour, compte tenu de son expertise en matière d’accès à l’information. Cependant, il est important de se rappeler que ni la Loi ni le projet de loi ne sont actuellement conçus pour l’application d’un modèle qui pourrait mener au contrôle judiciaire de mes ordonnances. Par exemple, dans un tel modèle, il serait nécessaire de séparer les fonctions relatives à la médiation, aux enquêtes et aux décisions au sein de mon commissariat.

Enfin, on ne devrait pas sous-estimer les répercussions financières et pratiques qui résulteraient de l’adoption d’un modèle de contrôle judiciaire. À ma connaissance, les aspects pratiques de la mise en œuvre d’un tel modèle au niveau fédéral n’ont pas encore été étudiés.

Comme je l’ai mentionné en octobre, je considère que le projet de loi C-58 est un pas dans la bonne direction et une amélioration par rapport à la loi actuelle.

S’il est adopté, le projet de loi C-58 me donnerait le pouvoir de rendre des ordonnances et me permettrait de publier ces ordonnances et tous les rapports de conclusions, ce qui aurait pour effet d’exercer une pression publique sur les institutions afin qu’elles respectent les ordonnances. Cela permettrait aussi d’établir une jurisprudence afin de rendre l’interprétation de la Loi plus claire pour les institutions et les demandeurs. De plus, le projet de loi prévoit un examen obligatoire de la Loi sur une base régulière, ce qui n’est pas prévu actuellement dans la Loi.  

Dans l’ensemble, j’estime que même si le projet de loi C-58 n’est pas parfait, il constitue une amélioration par rapport au statu quo. Selon vos discussions, je m’attends à ce que la question du contrôle judiciaire soit soulevée de nouveau lors de l’examen effectué un an après l’entrée en vigueur de la Loi. À ce moment-là, je serai plus en mesure de fournir des indications à savoir si le modèle proposé dans le projet de loi C-58 permet aux Canadiens d’obtenir l’information à laquelle ils ont droit.

Pour terminer, je tiens à remercier les membres du comité de m’avoir donné l’occasion d’exprimer mon point de vue sur ce sujet. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Merci.

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