Décision en vertu de l’article 6.1, 2022 CI 49

Date de la décision : Décembre 2022

Sommaire

Une institution a demandé à la Commissaire à l’information l’autorisation de refuser de donner suite à deux (2) demandes d’accès en vertu du paragraphe 6.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information. Elle a également demandé au Commissariat à l’information d’examiner toute demande future qui serait « de la même nature ». Le responsable de l’institution était d’avis qu’il s’était acquitté de son obligation de prêter assistance, et que les demandes étaient entachées de mauvaise foi et constituaient un abus du droit de faire une demande.

La Commissaire a conclu que non seulement l’institution ne s’était pas acquittée de son obligation de prêter assistance en vertu du paragraphe 4(2.1) de la Loi, mais elle n’a pas non plus établi que les demandes étaient entachées de mauvaise foi ou constituaient autrement un abus du droit de faire une demande. Comme l’institution n’a pas établi le bien-fondé de ces demandes d’autorisation, la Commissaire n’a pas tenu compte de sa demande d’examiner les demandes similaires dans le futur.

La Commissaire a rejeté les demandes d’autorisation.

Demandes d’accès

L’institution a reçu deux demandes d’accès à l’information liées à des enquêtes, conclusions, etc. se rapportant à certains groupes de personnes, évènements et/ou sujets.

Discussion

Le paragraphe 6.1(1) autorise le responsable d’une institution fédérale à demander l’autorisation écrite de la Commissaire pour ne pas donner suite à une demande d’accès si, à son avis, la demande est vexatoire ou entachée de mauvaise foi, ou constitue autrement un abus du droit de faire une demande de communication. Il incombe à l’institution de démontrer que la demande d’accès respecte les exigences prévues au paragraphe 6.1 (1) de la Loi.

Le droit de faire une demande de communication de documents relevant d’une institution fédérale est reconnu comme étant de nature quasi constitutionnelle [Blood Tribe Department of Health c. Canada (Commissaire à la protection de la vie privée du Canada), 2006 CAF 334, au para 24; voir aussi : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2011 CSC 25, au para 40]. Dans cette optique, l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès ne peut être accordée que si la demande d’autorisation est étayée par des preuves claires et convaincantes [voir, par exemple : Saskatchewan (Advanced Education) (Re), 2010 CanLII 28547 (SK IPC), aux para 43-47; Northwest Territories (Public Body) (Re), 2017 CanLII 73304 (NWT IPC)].

En vertu du paragraphe 4(2.1), les institutions sont également tenues de prêter assistance aux personnes qui font des demandes d’accès. Tel qu’expliqué dans les documents d’orientation et sur la procédure publiés par le Commissariat à l’information concernant les demandes en vertu de l’article 6.1, les institutions devraient seulement demander à la Commissaire l’autorisation de ne pas donner suite à une demande d’accès après avoir fait tous les efforts raisonnables pour aider le demandeur.

Obligation de prêter assistance

L’institution soutenait qu’il n’était pas particulièrement difficile de répondre à chacune des demandes et qu’il n’était donc pas nécessaire de demander des précisions au demandeur. L’institution alléguait également que le demandeur était en partie motivé par son insatisfaction à l’égard du résultat d’un grief. Elle soutenait qu’elle s’était acquittée de son obligation de prêter assistance, parce que le bureau de première responsabilité (BPR) concerné par ces demandes a aidé de façon raisonnable et appropriée le demandeur à obtenir l’information qu’il cherchait concernant son grief. Cependant, cela n’établit pas que l’institution a fait un effort raisonnable pour aider le demandeur concernant les demandes d’accès en cause.

Comme l’institution n’a pas fait tous les efforts raisonnables pour prêter toute l’assistance indiquée, elle n’était pas en mesure de demander l’autorisation de la Commissaire de ne pas donner suite à la demande en vertu de l’article 6.1.

Les demandes étaient-elles entachées de mauvaise foi?

Le Black’s Law Dictionary, (10e éd.) définit le terme « bad faith » (mauvaise foi) ainsi : « dans une intention ou un but malhonnête » [traduction]. De façon générale, une demande faite à des fins illégitimes, malhonnêtes ou inappropriées est considérée comme étant entachée de mauvaise foi.

Dans certains cas, une demande a été considérée comme entachée de mauvaise foi lorsque le demandeur avait un objectif inapproprié autre que l’intention d’utiliser l’information à des fins légitimes [voir, par exemple : Conseil scolaire public de district du Centre-Sud-Ouest (Re), CanLII 56386 (ON IPC)]. La mauvaise foi doit être évaluée au cas par cas.

L’institution soutenait que les demandes ont été faites à une fin contraire à la Loi. Plus précisément, elle alléguait que, bien que le demandeur affirme que sa demande visait à demander des comptes et de la transparence, il se servait de la Loi pour déconsidérer l’institution ainsi que la contraindre ou l’intimider, de même que pour la forcer à annuler une décision concernant un grief déposé par le demandeur. Elle alléguait aussi que le demandeur utilisait la Loi et l’information pour harceler l’institution et des personnes. Pour appuyer ses allégations, l’institution faisait référence aux communications et aux publications sur les médias sociaux dans lesquelles le demandeur critiquait l’institution.

Le demandeur a nié que les demandes étaient entachées de mauvaise foi. Il soutenait qu’elles visaient seulement à demander de la transparence concernant des questions d’intérêt pour lui et le grand public, et ne visaient pas à harceler l’institution. En ce qui concerne l’allégation de l’institution selon laquelle le demandeur tentait de l’intimider ou de faire annuler une décision concernant un grief, le demandeur a déclaré que, à sa connaissance, le BPR concerné par les demandes n’aurait pas eu le pouvoir d’annuler une telle décision. Enfin, le demandeur soutenait que le fait de critiquer une institution ne devrait pas compromettre le droit d’accès d’une personne.

La Commissaire a conclu que l’institution n’a pas établi que les demandes ont été faites à des fins illégitimes, malhonnêtes ou inappropriées, afin d’établir la mauvaise foi.

La Commissaire estimait qu’on ne pouvait raisonnablement pas inférer que le demandeur utilisait la Loi à une fin contraire à son intention, simplement parce qu’il avait critiqué l’institution sur les médias sociaux et dans ses communications avec elle. La Commissaire était d’avis qu’un demandeur avait le droit d’avoir recours à la Loi pour obtenir de l’information à l’appui de ses préoccupations et/ou de sa procédure de recours.

En l’espèce, le fait que le demandeur ait exprimé son mécontentement à l’égard de l’institution, tout en ayant recours à la Loi, ne suffit pas pour établir que les demandes étaient entachées de mauvaise foi.

Enfin, l’allégation de l’institution selon laquelle le demandeur prétendait seulement demander des comptes et de la transparence afin de contraindre ou d’intimider l’institution se fondait seulement sur une supposition. La preuve n’appuyait pas ses allégations que les demandes visaient à cibler des personnes, à manipuler l’institution ou à faire annuler la conclusion concernant le grief.

Les demandes constituent-elles un abus du droit de faire une demande de communication?

Par « abus », on entend généralement un usage excessif ou inapproprié.

L’abus du droit d’accès doit être examiné au cas par cas. Dans Crocker v. British Columbia (Information and Privacy Commissioner), 1997 CanLII 4406 (BC SC), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu qu’une demande qui porte atteinte au droit d’accès d’autres demandeurs et/ou diminue la capacité de l’institution d’assumer ses autres fonctions et responsabilités peut constituer un abus du droit d’accès.

En l’espèce, l’institution s’appuyait sur certaines des observations faites à l’appui de l’affirmation selon laquelle les demandes étaient entachées de mauvaise foi pour appuyer son allégation selon laquelle les demandes constituaient également un abus du droit de faire une demande de communication.

La Commissaire a conclu que l’institution n’avait pas établi que les demandes constituent un abus du droit de faire une demande de communication. L’institution n’a pas fourni de preuve claire et convaincante que les demandes constituent un usage excessif ou inapproprié de la Loi. Elle n’a pas non plus allégué, encore moins établi, que les demandes entravaient le droit d’accès d’autres demandeurs et/ou avaient une incidence sur la capacité de l’institution de s’acquitter de ses autres fonctions et responsabilités.

Enfin, la Commissaire a rappelé à l’institution qu’en raison de la nature et de l’importance du droit d’accès, afin qu’une demande d’autorisation en vertu de l’article 6.1 soit acceptée, une institution doit présenter des arguments solides, appuyés par une preuve claire et convaincante. De simples allégations ne suffisent pas.

En l’espèce, l’institution a fourni beaucoup de documentation, mais celle-ci n’appuyait pas les demandes d’autorisation en vertu de l’article 6.1.

Résultat

La Commissaire a rejeté les demandes d’autorisation.

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