2013-2014 Annexe B : Rapport annuel du commissaire à l’information ad hoc

C’est avec plaisir que je présente, pour une troisième année, le rapport des activités du commissaire à l’information ad hoc. Le 1er avril 2007, le Commissariat à l’information du Canada est devenu assujetti à la Loi sur l’accès à l’information. La loi qui a amené cette modification n’a pas créé en même temps un mécanisme distinct pour enquêter sur les plaintes selon lesquelles une demande d’accès au Commissariat à l’information du Canada n’a pas été traitée correctement.

Étant donné que l’examen indépendant des décisions relatives à la divulgation de l’information gouvernementale constitue un principe fondamental de l’accès à l’information, on a créé la fonction de commissaire à l’information ad hoc indépendant et on lui a conféré le pouvoir d’enquêter sur les plaintes visant le Commissariat à l’information du Canada.

Plus précisément, en vertu des dispositions du paragraphe 59(1) de la Loi sur l’accès à l’information, la commissaire à l’information m’a autorisé, en qualité de commissaire ad hoc à exercer :

[…] tous les pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés par la Loi sur l’accès à l’information, incluant les articles 30 à 37 et l'aricle 42 de la Loi, afin de recevoir toute plainte et de faire enquête de façon indépendante au sujet de toute plainte énumérée à l’article 30 de la Loi provenant des réponses aux demandes de communication faites au Commissariat à l’information du Canada en vertu de la Loi.

Je suis la quatrième personne à occuper cette fonction depuis 2007.

Plaintes reportées de l’exercice précédent

Deux plaintes de l’exercice précédent restaient en suspens au début du présent exercice. Dans la première, le plaignant affirmait que le Commissariat à l’information du Canada avait manqué à son obligation légale de lui venir en aide, et ce, en l’accablant par un trop grand nombre de documents au moment de répondre à sa demande. Lorsque cette préoccupation a fait l’objet d’une enquête, il s’est avéré non fondée.

La seconde plainte en suspens soulevait une question inhabituelle et étonnamment complexe. Elle concernait la portée et la signification de l’article 16.1 de la Loi sur l’accès à l’information, une disposition qui exonère de divulgation les renseignements obtenus ou créés au cours d’une enquête menée par le Commissariat à l’information du Canada. Toutefois, « une fois que l’enquête et toute instance afférente sont terminées », l’exception est partiellement levée. À cette étape, l’exception ne s’applique plus aux documents créés durant l’enquête.

La question posée dans cette plainte visait à déterminer si le Commissariat à l’information du Canada avait appliqué de façon appropriée l’article 16.1. J’ai conclu, pour les raisons décrites brièvement ci-dessous, que le Commissariat à l’information du Canada n’avait pas appliqué cet article de façon appropriée et que la plainte était bien fondée. Le Commissariat à l’information du Canada n’était pas d’accord avec mon interprétation de l’article 16.1 et a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de mettre en œuvre la recommandation que je proposais.

Le litige découlait d’une demande d’accès à l’information formulée par le plaignant à un autre ministère fédéral. Il affirmait que ce ministère appliquait des frais inappropriés au traitement de sa demande. La commissaire à l’information a enquêté sur la question et a été d’accord avec le plaignant. Toutefois, le ministre n’a pas accepté les conclusions de la commissaire et a refusé de mettre en œuvre ses recommandations. Même s’il a annulé les frais dans ce cas, le ministre a indiqué qu’il les appliquerait de nouveau à l’avenir. 

Le plaignant a déposé une demande d’accès au Commissariat à l’information du Canada pour obtenir tous les documents ayant trait à son enquête sur cette affaire. Il a ensuite lancé une demande à la Cour fédérale, cherchant à obtenir une déclaration selon laquelle le ministère appliquait des frais illégalement. Le Commissariat à l’information du Canada n’était pas une partie dans ce litige.

Il y avait un lien important entre la demande à la Cour fédérale et l’enquête du Commissariat à l’information du Canada. En lisant les termes de la Loi sur l’accès à l’information selon leur sens ordinaire et grammatical, le Commissariat à l’information du Canada a estimé que la demande était par conséquent une « instance afférente » au sens manifeste de l’article 16.1. Étant donné que le traitement de la demande n’était pas « terminé », le Commissariat à l’information du Canada a estimé qu’il devait exonérer de la divulgation tous ses documents d’enquête.

Les termes de la Loi ne doivent toutefois pas être lus uniquement dans leur sens ordinaire et grammatical. Ils doivent aussi être interprétés en fonction du contexte général, en harmonie avec le cadre et l’objet de la Loi, ainsi qu’en respectant l’intention du Parlement. Le Parlement aurait-il pu avoir l’intention de faire en sorte que le sens ordinaire de l’article 16.1 s’applique dans les nouvelles circonstances de cette affaire?

L’article 16.1 ne crée qu’une exception temporaire pour l’information créée par le Commissariat à l’information du Canada. Cette protection s’achève lorsque l’enquête se termine. En tenant compte du cadre et de l’historique législatif de cette disposition, il paraît évident que le Parlement estimait que le fait de forcer le Commissariat à l’information du Canada à divulguer certains documents liés à l’enquête pendant, et non après, une enquête en cours, pouvait porter préjudice à l’efficacité ou à l’intégrité des enquêtes du Commissariat à l’information du Canada. 

Dans ce cas, la divulgation au plaignant des documents qu’il cherchait à obtenir n’aurait pas compormis l’enquête terminée du Commissariat à l’information du Canada sur les pratiques d’application de frais du ministère ni ses processus d’enquête de manière générale. 

En conséquence, notre bureau a cherché à interpréter l’article 16.1 d’une manière plus respectueuse du cadre et de l’objet de la Loi plutôt qu’à en faire une lecture littérale. Selon nous, le terme « instance afférente » doit être interprété comme s’appliquant uniquement aux procédures qui ont un lien avec une enquête du Commissariat à l’information du Canada d’une manière qui risquerait d’interférer avec l’efficacité ou l’intégrité de cette enquête. Cette interprétation est également cohérente avec le principe selon lequel les exceptions à l’obligation de divulguer l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information doivent être strictement interprétées.

En appliquant cette interprétation à l’article 16.1, notre bureau a conclu que le Commissariat à l’information du Canada avait fait une erreur en ne divulguant pas l’information qu’il avait créée au cours de son enquête, lorsque le plaignant lui a demandé cette information pour la première fois. (Le Commissariat à l’information du Canada a par la suite divulgué cette information lorsque le plaignant a retiré sa demande auprès de la Cour fédérale.)

La commissaire à l’information a soulevé plusieurs objections sérieuses concernant cette interprétation de la Loi sur l’accès à l’information. Elle a notamment soutenu que cela revenait à interpréter un critère de préjudice dans l’article 16.1, chose que le Parlement avait précisément évitée au moment d’adopter cette disposition. Elle a également affirmé que l’approche défendue par notre bureau n’était pas cohérente sur le plan de la logique.

Nous estimons qu’il existe des réponses satisfaisantes à ces arguments et aux autres arguments formulés par le Commissariat à l’information du Canada, mais il apparaît clairement que la formulation de l’article 16.1 pose problème. Il n’est pas totalement inattendu, par conséquent, de constater une divergence d’opinions concernant la manière dont cet article doit être interprété. Dans ce cas, l’interprétation de la commissaire et celle proposée par notre bureau ne sont pas totalement exemptes d’imperfections. Dans chaque cas, certaines parties de l’analyse sont plus convaincantes que d’autres. Il est respectueusement formulé, cependant, que l’interprétation adoptée par notre bureau est, tout bien considéré, la plus appropriée. Elle est à la fois plus fidèle aux préceptes de l’interprétation de la loi au Canada (lecture du texte selon le contexte et l’objet) et plus respectueuse des valeurs qui soutiennent l’accès à l’information (fourniture d’un plus grand accès en interprétant strictement les exceptions) que l’approche proposée par la commissaire.

Nouvelles plaintes au cours du présent exercice

Quatre nouvelles plaintes ont été reçues et ont fait l’objet d’enquêtes au cours du présent exercice. Dans chacun des cas, l’enjeu principal était l’application adéquate de l’article 16.1. Une seule plainte a été traitée au moment de la rédaction du présent rapport. Les trois autres restent en suspens.

Dans la première enquête, nous avons conclu que le Commissariat à l’information du Canada avait appliqué l’article 16.1 correctement et que la plainte était non fondée

Les trois autres plaintes ont été déposées par le même individu. Bien que ces enquêtes soient presque complétées, elles sont toujours en suspens.

Nous avons également été saisis de deux affaires sur lesquelles nous n’avions pas juridiction. Dans une de ces affaires, la plainte a été déposée près de 18 mois après l’expiration du délai statutaire.

Dans la seconde plainte, un individu qui n’était pas satisfait de la façon dont le Commissariat à l’information du Canada a enquêté le traitement de sa demande par une institution fédérale. Notre bureau n’est pas compétent pour traiter de telles affaires. Notre mandat se limite à recevoir les plaintes relatives au traitement inapproprié des demandes d’accès à des documents relevant du Commissariat à l’information du Canada et à enquêter sur ces plaintes. 

Conclusion

La fonction de commissaire ad hoc a été conçue pour assurer l’intégrité du processus lié aux plaintes au sein du Commissariat à l’information du Canada. Nous demeurons prêt à enquêter de façon rigoureuse et indépendante sur les plaintes ultérieures déposées contre le Commissariat à l’information du Canada.

C’est un privilège d’assumer les fonctions de commissaire à l’information ad hoc.

Respectueusement soumis,

John H. Sims, c. r.

 

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